À la rencontre de David Saintives, responsable du recrutement à l'Association ESTAC

À la rencontre de David Saintives, responsable du recrutement à l'Association ESTAC

Depuis plusieurs saisons, les équipes de l’académie troyenne performant sur les différentes catégories de jeunes. Le fruit d’un long travail mené à l’origine par les équipes de recrutement du centre de formation de l’Estac, puis prolongé par les différents staffs techniques. Nous avons rencontré David Saintives, responsable du recrutement à l’Association ESTAC, qui revient sur son parcours, les spécificités du métier, la façon de travailler du club et d’autres points encore… Une interview à savourer sans modération !

David, peux-tu revenir sur ton parcours jusqu’à l’arrivée à ton poste actuel ?

Je suis à l’Estac depuis 14 ans. J’ai auparavant été coach pendant 4 ans en N3, à la Chapelle-Saint-Luc, puis l’Estac m’a proposé en 2010 d’intégrer le staff technique du centre de formation : j’étais adjoint sur les différents groupes de jeunes. En 2017, on m’a proposé d’intégrer la cellule de recrutement, dont j’ai ensuite pris la responsabilité au départ de Philippe Vaugeois. 

À partir de 2020, je suis passé en bascule sur le recrutement des pros et celui du centre de formation, sous la demande de Luis De Sousa et Daniel Masoni. Quand le City Group est arrivé, je suis resté un petit moment sur un poste similaire, le temps que François Vitali mette en place la cellule de recrutement, puis je suis revenu à mes premières missions uniquement sur l’académie. 

Comment est composée ton équipe ?

La cellule de recrutement des jeunes a bien évolué depuis l’arrivée du CFG. Le groupe souhaitait investir davantage la région parisienne en matière de recrutement, où l’on a désormais 4 scouts. On a également eu l’opportunité de recruter un scout dans la région Rhône-Alpes, qui scrute Lyon et sa grande périphérie. Stéphane Darbion est également venu renforcer l’équipe du recrutement et travaille au quotidien avec moi.

Comment travaillez-vous au quotidien ?

Nos scouts « mangent » beaucoup de football. Ils regardent une dizaine de matchs par week-end et nous font des rapports sur tout ce qu’ils voient. Puis le processus est simple. On a une réunion hebdomadaire chaque lundi pour faire un debrief de ce que tout le monde a vu le week-end et on a une base de données où tous les joueurs observés sont renseignés. Les joueurs sont observés par 2 ou 3 scouts différents, puis par Stéphane ou moi, et on les invite à venir passer quelques jours à Troyes pour s’entraîner. À l’issue du stage, différents tests sont organisés et on décide si on continue à le suivre (ou non). Si un joueur a porté entière satisfaction, je démarre la phase de négociation avec la famille.

À partir de quel âge commencez-vous à vous intéresser aux jeunes ?

Pour ce qui est de l’école de foot, ça reste du recrutement assez local donc ce sont les éducateurs qui s’en chargent. À partir de la catégorie U13, on commence à scruter tous les joueurs. Le gros du recrutement se situe sur les catégories U14-U15 pour qu’on puisse avoir à l’entrée du centre de formation, à partir de la catégorie U16, des effectifs complets. 

Selon toi, quelles sont les principales qualités à avoir pour travailler dans le recrutement, spécifiquement à l’Estac ? Également, qu’est-ce qui est le plus difficile ?

Il faut avoir une grosse qualité de relationnel. Je demande à tous mes collègues d’être très attentifs aux joueurs et à leur entourage et de renvoyer, partout où ils vont, une bonne image de l’Estac. Il faut à la fois se montrer discret, tout en allant à la rencontre des familles pour les rassurer. On ne souhaite pas être les plus visibles, mais les plus efficaces pour donner envie aux familles de venir voir ce qu’il se passe à Troyes. 

Le plus difficile dans le recrutement, c’est de refuser. On n’a pas le choix de refuser des joueurs car on ne recrute que si l’on a des besoins ou si le joueur est très au-dessus de ce que l’on a déjà au club. Il faut trouver des équilibres dans les effectifs pour que les jeunes ne soient pas bloqués et puissent s’épanouir dans la structure. C’est aussi extrêmement compliqué d’annoncer à des joueurs qui ont toujours eu un comportement exemplaire qu’ils ne sont pas conservés ou à des jeunes U13 que l’on fait venir que l’on ne va pas recruter. En quelque sorte, on leur brise leur rêve.

Quelle importance revêt l’aspect scolaire dans le recrutement ? 

On y fait très attention. Par expérience, on sait que réussiront chez nous des garçons bien équilibrés, qui travaillent un minimum à l’école. Il n’y a pas toujours des « bons élèves » mais on est très attentifs au comportement. On a encore très récemment refusé un très bon joueur de foot car les attitudes n’étaient pas bonnes. 

Quels sont les atouts du club au moment d’approcher des joueurs ?

Notre principal atout, c’est la force collective de l’ensemble des salariés du club : administratifs, staffs technique, médical, social et tous les bénévoles qui travaillent avec les jeunes tout au long de leur passage chez nous. Il faut que les familles sentent une vraie dynamique collective car tous les acteurs participent à la réussite d’un jeune. C’est un aspect que l’on maîtrise bien à Troyes, depuis toujours, et qu’il faut s’efforcer de garder car tout le monde y est sensible. 

Qu’a modifié l’arrivée du CFG dans ton métier ?

Le club a changé de dimension. Depuis que le CFG est arrivé, on a davantage de moyens humains et financiers qui nous permettent de nous positionner sur des profils où l’on est en concurrence avec les plus grands clubs français. On se positionne clairement sur les premiers choix, alors qu’avant on se contentait des seconds. On est à la lutte avec des clubs comme l’OL, Rennes, Monaco. On est donc plus attractifs, avec un projet international. « City », c’est un terme qui parle. 

Tu es le premier interlocuteur du club pour ces jeunes et leurs familles. Tu dois avoir un lien particulier avec certains d’entre eux… 

Effectivement, je suis la première personne que les familles rencontrent donc une confiance se crée automatiquement. Après, tous les garçons qui sont au centre aujourd’hui sont des garçons que j’ai fait signer avec mes équipes donc je ne peux pas avoir de relation particulière avec tous. Néanmoins, dès que je peux aider un jeune, qu’il ait réussi au club ou qu’il ait été en échec chez nous, je le fais volontiers car toutes les réussites sont belles. Un jeune, même s’il ne réussit pas dans le foot, qui repart du centre avec son bac alors qu’il est arrivé avec un niveau scolaire faible, c’est aussi une belle réussite. De la même manière, on est heureux de voir des garçons devenir des bonnes personnes. Il ne faut pas oublier qu’ils arrivent au club enfants et qu’ils repartent en tant que jeunes adultes. On a une grosse responsabilité aussi sur cet aspect. 

Justement, qu’est-ce qui te procure le plus de bonheur en tant que responsable du recrutement ? 

Forcément, ce qui nous rend le plus heureux, c’est de voir des garçons alignés en équipe première et entendre leurs noms au Stade de l’Aube. On a des vraies réussites cette saison avec Zoukrou, N’Jo, Kohon, Dong, Kanté… Je suis aussi très fier de voir des joueurs s’épanouir ailleurs, comme Bilal Brahimi à Caen. De même, c’est génial de voir Wilson Odobert et Bryan Mbeumo s’épanouir en Premier League. Avec le CFG, d’autres portes s’ouvrent aussi pour les jeunes : je serais content, par exemple, de voir un joueur partir en Australie pour jouer à Melbourne et poursuivre son cursus scolaire. Il y a beaucoup de satisfactions dans ce métier.

Récemment, Rudy Kohon, Anis Ouzenadji et Ibrahim Traoré ont signé leur premier contrat professionnel à l’Estac. Un nouvel exemple de réussite. 

Oui, c’est une vraie satisfaction, surtout que c’est une belle histoire pour les deux derniers. Au moment où nous les repérons, Anis et Ibrahim évoluaient ensemble en région parisienne en U13. Les mener au contrat professionnel cinq ans plus tard, ensemble, c’est superbe. 

Au-delà des réussites individuelles, l’objectif est aussi d’obtenir des bons résultats collectifs. C’est le cas depuis plusieurs années sur les différentes équipes de la formation. 

L’un ne va pas sans l’autre. Si on n’avait pas de bons résultats collectifs, on aurait du mal à attirer des joueurs. Et si on ne sortait pas de jeunes, on serait moins attractifs aussi. Mais toutes les réussites, qu’elles soient individuelles ou collectives, sont le fruit du travail de toutes les parties-prenantes du club. J’insiste mais à Troyes, on a vraiment cette force collective.

Dans quelle mesure les entraîneurs prennent part également au recrutement des jeunes ? 

On échange aussi naturellement avec eux pour déterminer les besoins, les garçons sur lesquels on se projette pour l’année suivante. Les coachs donnent aussi leur avis sur les joueurs passés à l’essai pour prendre une décision collective. Mais la responsabilité finale m’incombe, c’est moi qui prends la décision finale. J’assume cette responsabilité, même en cas d’échec, car l’intérêt du club réside sur le long-terme : que va devenir le joueur dans cinq ans ?

Comment s’articule le recrutement au niveau des « timings » ? 

L’objectif, c’est d’avoir tous les effectifs construits à la reprise. Plus tôt on a terminé le recrutement, mieux c’est. Je n’aime pas avoir à travailler dans l’urgence, en août ou septembre, alors que la reprise a déjà été effectuée. À 99% du temps, ce sont des recrutements par défaut qui se concluent par des échecs. Pour la saison prochaine par exemple, la cellule a très bien travaillé sur les catégories de jeunes. Il nous reste à finaliser le recrutement du groupe N3, qui est dépendant aussi du groupe pro. 

Pour finir, tu aurais une petite anecdote à nous raconter, une histoire particulière qui te reviendrait instinctivement ? Qu’il s’agisse d’une fierté, d’un regret…

Je pense à Farès Ghedjemis, qui est passé par l’académie et qu’on n’a pas gardé car il était un peu « trop neutre ». Il a été transféré cet hiver du FC Rouen à Frosinone en Série A et tout le monde l’encense. Il a toujours été dans les clous chez nous, j’aurais aimé le voir aller plus haut à l’Estac. Mais ça montre qu’il n’y a pas de trajectoire idéale, chaque joueur peut trouver le chemin qui lui correspond. De manière générale, tous les joueurs qui font partie des Équipes de France jeunes ont déjà été dans notre giron.

Le mot de la fin ? 

On voit énormément de matchs et il faut savoir qu’on a énormément de très bons joueurs à l’Estac. Honnêtement, on n’a rien à envier à aucun club en France ! Nous devons continuer à travailler collectivement pour développer l’ensemble des jeunes qui sont dans la structure et les emmener le plus haut possible. Je tiens à remercier particulièrement la team recrutement (Arthur, Jonathan, Sofian, Levis, Kevin) pour leur investissement sans faille, Stéphane Darbion qui m’accompagne au quotidien, ainsi que mes proches qui supportent mes absences et m’apportent beaucoup de force pour essayer de rendre au club ce qu’il m’a apporté. Remerciements également à l’ESTAC et au City Football Group qui me donnent leur confiance et nous mettent à disposition tous les moyens nécessaires à la réussite de nos missions.

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